Vulnérâmes, la poésie musicale d’Antonya David-Prince

Article : Vulnérâmes, la poésie musicale d’Antonya David-Prince
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11 mai 2019

Vulnérâmes, la poésie musicale d’Antonya David-Prince

Vulnérâmes, 1er album d’Antonya David-Prince est disponible sur :

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Vulnérâmes, une ôde à la sensibilité

Lorsqu’il a fallu écrire sur le projet musical d’Antonya David-Prince, je ne me suis pas sentie à la hauteur.
J’ai écouté et réécouté chaque morceau, chaque portion, chaque phrase. J’ai tourné et retourné dans ma tête le sens les mots afin de comprendre ce qu’ils pouvaient couver.
Comment retranscrire autant d’émotions, comment rester entièrement fidèle à chacun des morceaux d’âme qu’Antonya a mis à nue dans ses textes. Pas facile.

Mais je ne pouvais m’abstenir de m’exprimer.
Tout simplement parce que l’infinité de sensations que j’ai eue en écoutant cet album ne me laisse pas d’autres choix que de le conter.
Parce que de « Respire » à « Sade », de « Fastlove » à « Solo » en passant par « Voleur de secondes », « Saudade » et « Acte manqué », Antonya offre plus qu’un voyage lyrique et sensoriel.

L’une des questions que je lui ai posée est « Pourquoi autant de mélancholie ? »
Elle ma répondu qu’il ne s’agissait pas de mélancholie mais de Saudade.
« La saudade c’est un morceau de Cesaria Evora et un style musical capverdien. Dans la mélancholie il ya un aspect dépressif, mais la Saudade c’est de la nostalgie, c’est se rappeler comment c’était mieux avant, c’est exprimer son envie de vouloir être ailleurs que dans le dans le présent… »

Antonya insuffle de la vie dans ces mots morts en nous, ces mots qui nous sont pour la plupart restés en travers de la gorge ou tout simplement enterrés dans le sombre de nos entrailles.

J’ai toujours pensé qu’il existe de ces êtres qui pour une raison que j’ignore sont infiniment plus sensibles que la moyenne. Sensibles à la douleur, sensibles à l’amour, sensibles au monde et aux maux qui les entourent.
Elle m’a dit être une personne réservée, elle m’a dit avoir l’habitude de discuter de longs moments avec elle même et d’avoir cultivé un monde intérieur assez vaste.
Vulnérâmes est-il donc peut-être ce côté extérieur qu’elle a décidé d’explorer? Faire découvrir à tous ce fameux monde intérieur, c’est peut-être là le but de cet album.
Elle m’a dit qu’il était pour elle cathartique, je la crois. Puisque pouvoir mettre des mots sur nos maux, est le premier signe de guérison.

Des mots pour guérir les maux

Quel courage faut-il à une femme pour s’ouvrir aussi entièrement sur un sujet qui dans nos sociétés est au mieux tabou, et au pire malmené, négligé, déclassé. Celui de la perte d’un enfant.

« Sade est très clairement une lettre à ma fille qui n’est pas encore née. Sade parle de mon désir d’enfant. C’est une envie et un besoin de parler de ce sujet qui est sensible et tabou, qu’on aborde pas beaucoup. Même en ayant écrit dessus, je suis réticente à en parler, à utiliser les mots justes, les mots crus. Mais dans ma vie de femme, j’ai eu une fausse couche et c’est vrai que c’est quelque chose qui m’a traumatisée et qui est assez banalisé. On ne donne pas assez de place à cette perte d’êtres qui ne sont pas encore tout à fait des bébés, la preuve on dit « une fausse couche », on ne dit même pas qu’on a perdu un enfant. C’est une émotion que j’ai ressentie et qui a été le déclencheur qui m’a permis d’écrire ce texte. Ensuite dans le texte, il y a des parties qui dénoncent le fait que dans nos sociétés, on questionne les gens sur la parentalité sans savoir s’ils ont envie ou pas d’être parents, s’ils sont entrain d’essayer d’être parents, s’ils ne peuvent pas être parents etc. Ce sont des questions très intimes qui ne regardent pas tout le monde. Sade c’est l’absence de ma fille qui n’est pas encore née et j’espère qu’il me sera donné un jour d’être mère sinon je ferai autre chose, parce que ce n’est pas une fin en soi…»

Quelle lucidité faut-il pour vocaliser avec justesse les dérives sentimentales auxquelles nous mène notre société qui s’entête à se diriger vers une évolution exponentielle. Tout est question de vitesse, de substitution, de recherche presque maladive d’une facilité qui ne nous offre pourtant que déliquescence et chaos. Fastlove, Mac loving…

« Personnellement, j’ai vécu dans un cocon familial où le couple a une valeur cardinale. Ma mère a connu mon père lorsqu’elle avait 16 ans et elle en aura 70 bientôt. Ils ont bien entendu connu des moments difficiles, mais je crois qu’avant, les couples restaient malgré tout ensemble pour des raisons différentes. On est actuellement dans un contexte socio-culturel différent et surtout dans les grandes capitales, tout va tellement vite. L’amour est une belle énergie qui va au-delà du concept de couple. Je crois que pour rester en couple de nos jours, il faut le décider. De nos jours on a beaucoup plus de mal avec l’engagement et donc décider de rester ensemble, se battre pour s’apporter l’un à l’autre et choisir un destin commun, ça a quelque chose de très féérique pour moi et je le considère comme un acte de foi… Je ne sais pas si c’était mieux avant mais je pense qu’au fond de nous, tout le monde a envie d’être aimé. Je ne sais plus comment j’en suis arrivée à écrire cette chanson, mais de nos jours on prend et on jette, on prend et on jette et ce n’est tellement pas ça l’amour.»

Et quelle sensibilité faut-il pour arriver à l’aide de simples mots à universaliser des expériences personnelles. A rendre commune des portions de vie pourtant si intimes. A parler d’amour, d’absence, de solitude, d’espoir et de peines sans fausse pudeur ni réserve.

L’album qui introduit une discussion

Je souhaite que Vulnérâmes puisse représenter pour nous une perche tendue, une brêche fendue en plein milieu du grand mur des non-dits de nos sociétés. Cet album est le nôtre et devrait pouvoir introduire une conversation aujourd’hui nécessaire entre femmes et hommes, parents et enfants peut-être, puisque selon elle « Si à l’école ou en famille, on nous formait plus au développement personnel,, aux techniques de méditation, à la communication non violente, à l’estime de soi, on éviterait beaucoup de catastrophes amoureuses . »

Antonya David-Prince,
Vulnerâmes,
Asraforecords,
10 Mai 2091.
We are here for this…

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Commentaires

Jennifer
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Merci pour ton article, tes mots ...en général il n'est pas évident d'être vulnérable et pourtant c'est dans cet état que tu deviens plus puissante comme une force tranquille, et tu reconnais instantanément l'autre qui est comme toi
Belle continuation à ton blog

Afi Affoya
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Merci à toi aussi Jennifer :)