13 septembre 2017

La dynastie dictatoriale, une version togolisée de la démocratie

« L’Éternel bénisse le Togo
Et de ses enfants les conducteurs.
Togolais fais monter
De partout des clameurs
A la gloire de notre cher Togo
Et célébrer sa beauté :
Forêts, monts, sites enchanteurs,
Fleuves majestueux,
Torrents prestigieux.
Le sol merveilleux
Prodigieux, répand bonheur, fécondité.
Soyez béni ! Togo soyez heureux !
Pays de nos aïeux ! »

La marche républicaine

Combien de fois n’ai-je pas, dans les lignes d’un rang, tapie dans les tissus à carreaux d’une robe aux manches un peu trop larges et dans des souliers douillets à scratch, prononcé non sans difficulté ces paroles qui depuis un moment me reviennent, non seulement avec plus de clarté orthographique, mais surtout avec plus de sens et d’émotion ? Émotion peut-être due au souvenir de mes douces années en cours primaire, ou plutôt à l’élan de patriotisme inévitablement ressenti au son de cette chanson.

J’imagine en ce moment n’être pas la seule Togolaise hantée par la mélodie de la marche républicaine qui, aujourd’hui plus que jamais, a franchi pour certains d’entre nous le stade de comptine et atteint celui d’une ode à la conscience de « Nous ». Nous en tant qu’êtres sociaux ou nous en tant qu’individus nés d’un bout de terre, le notre, et à qui nous nous sentons liés par un cordon invisible mais non moins robuste. Nous en tant que citoyens.

Qu’attend une mère, ou mieux, que doit l’enfant à celle qui l’a fait et vu naître, celle qui lui a offert l’hospitalité, l’éducation et le soin nécessaires à son développement physique, mental, spirituel ? Nos pensées se tournent naturellement et à raison vers la gratitude, le dévouement, le respect et une kyrielle de bons sentiments.

C’est ainsi qu’il y a quelques jours et pour une énième fois, des milliers de fils et filles du Togo se sont mobilisés et continuent de se mobiliser dans le but ultime de donner à la terre mère la dignité et l’agréabilité qui sont sensées la caractériser.

Ce n’est pas une tendance collective au suicide qui a poussé les Togolais hors de leurs domiciles les 6 et 7 septembre dernier.

C’est encore moins pour remédier à une carence en vitamine D qu’ils ont décidé d’affronter les rayons du chaud soleil tropical pendant ces deux jours, sans oublier les nombreux jours de manifestations précédents (19 août, avril 2013, etc).

Cette démonstration de hargne que l’on a largement qualifiée de jamais vue et dont nous avons été témoins n’est que l’expression d’un ras-le-bol n’ayant que trop longtemps été refoulé. Ras-le-bol d’une situation rigidement homéostatique dans laquelle « le grain du pauvre continue de nourrir la vache du riche »(1).

Les « con-ducteurs »

Comment bénir des « con-ducteurs » qui par eux-mêmes ou par une quelconque intervention divine (whatever (2) ) ont publiquement reconnu le parasitisme dont ils sont orchestrateurs et qui gangrène ceux qu’ils sont censés conduire ?

Ventres affamés, lèvres bâillonnées, avenir incertain, jeunesse délaissée peuvent-ils clamer avec sincérité une fierté pourtant légitime d’appartenir à une terre qui a, disons-le, tout pour plaire ?

Même si pour l’heure, le bonheur et la fécondité nous semblent encore lointains, du moins autant que les illustrations fabuleuses d’un paradis dont seuls les dessinateurs du Watchtower(3) ont le secret, motivation et détermination nous sont insufflées par la conscience que nous avons de la finalité de cette lutte : affirmer notre confiance en nous en tant que peuple, faire entendre notre voix au-delà des frontières et faire encore une fois frémir les pieds déjà chancelants d’un sofa dynastico-dictatorial établi au sommet de notre pays depuis maintenant plus d’un demi-siècle.

(1) « Le grain du pauvre continue de nourrir la vache du riche », citation de Thomas Sankara

(2) Whatever : Peu importe.

(3) Watchtower : La Tour de garde. Revue internationale créée et distribuée par les témoins de Jehovah.

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Commentaires

Marek
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Je relis ces paroles et je vois un rapport que je ne voyais pas avant!

Afi Affoya
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Ce sont des paroles pleines de sens en tout cas :)